Vincent Bolloré : "Fouesnant, ma ville de coeur"

Odet, épicentre du groupe Bolloré. Dans le cadre bucolique du manoir, berceau de la famille, Vincent Bolloré, détendu et prévenant, laisse parler son coeur tandis que la rivière inscrit sa trajectoire capricieuse dans la grande baie vitrée du salon où il nous reçoit. Confidences d’un grand capitaine d’industrie qui pèse près de 60 000 emplois disséminés dans le monde entier.

Jean Yves Le Dréau : À l’heure des délocalisations, vous êtes plus que jamais fidèle à vos racines. Cet enracinement local est-il si important à vos yeux ?
Vincent Bolloré : Quand le groupe a connu des jours difficiles et a failli sombrer à la fin des années 70, je n’ai pas hésité une seconde. Pourtant, rien ne me prédisposait dans la hiérarchie familiale à reprendre le flambeau. Mais j’ai considéré que c’était mon devoir. Mon oncle, Gwen, m’a dit que j’étais complètement fou. Je ne pouvais pas imaginer qu’une histoire commencée en 1822 s’arrête de cette façon.

Gwenn-Aël Bolloré


JYLD : Vous êtes fidèle à vos racines mais aussi à vos amitiés. Vous ne cachez pas votre sympathie pour Bernard Poignant (PS) et pour Roger Le Goff (UMP). L’amitié transcende-t-elle les clivages politiques ?
VB : Bien sûr. L’amitié est une alchimie qui intègre la reconnaissance, la durée, l’admiration, la qualité humaine. Aujourd’hui, à Paris, mes amis sont ceux que j’ai connus à Beg-Meil dans mon
enfance.


JYLD : Justement. Parlons-en. Que représente Fouesnant pour vous ?
VB : Mon arrière-grand-père avait fait construire une propriété à Beg-Meil à la fin du 19e siècle. J’y ai passé toutes les vacances de ma jeunesse. Alors qu’Ergué- Gabéric représente le monde du travail, Fouesnant, c’est la ville du bonheur, ma ville de coeur. Je travaille 18 heures par jour mais je ne m’éclate pas dans mon travail. C’est une aventure humaine, industrielle. Un point, c’est tout. Il faut que ça marche.


JYLD : Quels sont vos premiers souvenirs de Beg-Meil ?
VB : Ils sont liés aux vacances scolaires. Nous venions trois mois en été, quinze jours à Pâques, quinze jours à Noël. Au début, nous venions en train. Soit un voyage de neuf heures. Mon premier
bonheur était à Quimper quand je voyais le panneau de Fouesnant. C’était déjà la promesse de la mer. Et puis, l’excitation grandissait quand nous arrivions à la route des rhododendrons. Au bout, c’était l’océan, la plage, les cousins.


JYLD : Vous y aviez des endroits de prédilection ?
VB : Tous les endroits où, avec mes cousins et mes amis, nous pouvions aller à vélo : la pinède, la dune, la piste cyclable. C’était plus dur, avec le faux-plat, de partir que de revenir.


JYLD : Vous ignoriez le bourg de Fouesnant ?
VB : Non, évidemment. C’était la grande ville, pour nous. C’était la fête quand nous y venions avec nos parents pour assister à la messe, pour faire les courses, pour aller au restaurant.


JYLD : Et les Glénan ?
VB : Un endroit magique. Ma famille y avait acquis l’île du Loch. Nous fréquentions l’école de voile. Sur l’Archipel où ma cousine Gwendoline séjourne encore, nous faisions provisions d’odeurs (l’iode et la bruyère) que nous ramenions dans nos souvenirs à Paris. La dernière fois que j’y suis allé, c’était le 30 août dernier.

Ile du Loch dans l'archipel des Glénan


JYLD : Vous revenez souvent à Fouesnant ?
VB : Pas aussi souvent que je voudrais. Je ne prends pas beaucoup de vacances. Alors, je viens, un jour par ci, un jour par là, surtout quand ma mère se trouve à Beg-Meil.


JYLD : Le Fouesnant d’aujourd’hui ressemble-t-il au Fouesnant de votre jeunesse ?
VB : Fouesnant a grandi. Il y a eu des aménagements. Heureusement. Mais la ville a gardé son âme. Au bourg, c’est le même bazar (Le Bris) que celui de mon enfance. C’est le même alignement de rhododendrons qui me conduit à Beg- Meil. La pinède se réinstalle peu à peu. La ville a gardé son charme tout en s’installant dans la modernité.


JYLD : Quels sont les atouts de Fouesnantà l’aube du 21e siècle ?
VB : Elle dispose d’un capital « bienêtre» incontestable : environnement, gastronomie, proximité de la mer. Il faut que les Fouesnantais comme les Cornouaillais, en général, sortent de leur
réserve naturelle et forcent leur modestie pour faire connaître cet art de vivre au plus grand nombre en réalisant de nouvelles infrastructures.


JYLD : Quand est-ce que Vincent Bolloré pourra profiter pleinement, à nouveau, de sa « ville de coeur » ?
VB : Le 17 février 2022, l’entreprise aura 200 ans. J’ai dit que je n’arrêterai pas avant. Ce jour-là, on fera une grande fête et je passerai le relais.