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Archéologie

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© G.Hamon

Les Moutons au temps des Gaulois

À Rennes, des archéologues partent à l'abordage des îles bretonnes. Exempts d'urbanisation et de culture, leurs sols renferment des vestiges particulièrement bien conservés. L'une d'elles, l'île aux Moutons, dévoile l'identité des habitants de son lointain passé.

Des silex, des quartzs taillés et des céramiques, ce sont ainsi plusieurs milliers de vestiges archéologiques qui ont été découverts à ce jour dans le sol d'une petite île de deux hectares située au large des côtes du Finistère, l'île aux Moutons. Et les toutes dernières pièces viennent tout juste de sortir de terre. Au début du mois de septembre, Gwenaëlle Hamon, responsable des fouilles, Marie-Yvane Daire et leurs collègues1 ont en effet creusé, pour la troisième fois depuis 2002, le sol de cette île inhabitée.


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Couche des vestiges néolithiques en cours de fouille
© G.Hamon

Aujourd'hui réserve naturelle, résidence des seules sternes caugek qui viennent l'été y assurer leur descendance, elle semble bien, pourtant, avoir été plus peuplée jadis. Ce sont des documents de fouilles réalisées au début du siècle par un couple d'archéologues qui ont mis les scientifiques sur la piste. Dans leur récit, les époux Péquart émettent l'hypothèse que des hommes du Néolithique, puis des Gaulois auraient habité les lieux. Gwenaëlle Hamon, spécialiste du Néolithique et Marie-Yvane Daire, spécialiste de l'Âge du Fer, se sont donc penchées sur cet îlot grand comme deux terrains de football. « Nous voulions en savoir plus sur l'occupation de l'île qui, semble-t-il, avait été importante aux époques néolithique et gauloise, confie Gwenaëlle Hamon. De plus, compte tenu de la distance qui la sépare du continent – 7,5 km –, nous avons la certitude que Les Moutons était déjà une île. Il était très intéressant pour nous de comprendre comment ces hommes y avaient vécu ». Après le secteur oriental où ont été découverts une portion de bâtiment et de nombreux restes de faune gaulois (mammifères, poissons, coquillages), c'est le nord-ouest de l'îlot qui a été exploré cette année. En fouillant la terre à 20 cm de profondeur, les archéologues ont tout d'abord mis à jour la couche gauloise, la plus récente. Amas de céramiques souvent décorées, restes de murs, éléments en fer, meules et aménagements de gros galets, ces vestiges encore en cours d'étude confirment qu'une communauté humaine s'est établie sur l'île à la fin de la période gauloise, entre 100 et 50 avant J.-C. « Et il ne s'agissait pas d'une simple escale, commente Marie-Yvane Daire. Les restes de murs d'habitats, les dépôts alimentaires et la présence d'un lieu très probablement consacré à un rite funéraire sont les témoins d'une implantation durable ». Puis, enfouis un peu plus profond : des silex, quartzs taillés et les outils nécessaires à leur fabrication ainsi que des céramiques dont des bouteilles, des bols décorés au coquillage et de minuscules vases, caractéristiques du Néolithique moyen. Avant les Gaulois, ce sont donc des hommes du Néolithique qui ont investi l'île, entre 4 200 et 3 800 ans avant J.-C. « Ces travaux nous apportent des informations très intéressantes quant au mode de vie de ces îliens, explique Gwenaëlle Hamon. Parmi les vestiges néolithiques, de petites lames de hache en fibrolite ont été découvertes. Or il n'existe pas de gisement de ce matériau sur l'île. Les lames ont donc dû être importées depuis le continent ». « Pour la période gauloise, ce sont des morceaux d'amphores de vin de manufacture italienne que nous avons retrouvés. Ces éléments prouvent que, malgré leur isolement, ces hommes ne vivaient pas pour autant dans un système autarcique », souligne Marie-Yvane Daire qui coordonne un programme de recherche plus vaste sur les implantations humaines dans les îles de l'Ouest de la France. « L'île aux Moutons, comme les autres petites îles bretonnes, sont de très bons terrains d'études, explique-t-elle. Souvent protégés, investis ni par le tourisme, ni par l'agriculture, ce sont des territoires quasiment vierges où les vestiges sont très bien conservés, tant le mobilier que les structures. Aujourd'hui, il est très rare de découvrir un mur de pierre d'un mètre de hauteur datant de ces époques sur le continent ».

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Vestige de mur gaulois
© G.Hamon

Stéphanie Belaud

1. Jean-Noël Guyodo, Catherine Dupont, Jean Desse, Nathalie Desse-Berset, Yvon Dreano, Patrice Méniel, Anna Baudry, Carole Vissac. Ils collaborent à différents laboratoires : « Civilisations atlantiques et archéosciences », CEPAM, ENS, « Archéologies et sciences de l'Antiquité ».

CONTACT Gwenaëlle Hamon, gwen.hamon@libertysurf.fr
Marie-Yvane Daire, Civilisations atlantiques et archéosciences, Rennes, marie-yvane.daire@univ-rennes1.fr